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Suite du témoignage de Marie.....
Parole d'ancien contre parole d'enfant
Pour en finir sur ce chapitre de
la moralité des Témoins de Jéhovah, je n’oublierai jamais cet “ancien”
qui lorsque j’avais treize ans a profité de la prédication et d’un séjour
chez lui pour se livrer sur moi et à plusieurs reprises à des gestes déplacés.
Lorsque j’ai parlé il a nié et, comme j’étais “une rebelle” on a considéré
que c’est moi qui avait menti et affabulé, provoquant un scandale honteux
qui m’a valu mon premier passage devant le “comité des anciens” et l’humiliation
cuisante qui s’ensuit - parce qu’évidemment le secret n’existe pas chez
les témoins : toute “mauvaise conduite” est étalée devant la congrégation
toute entière. Ce type s’en est sorti comme victime d’une petite Lolita
en mal d’imagination et n’a jamais été inquiété. Dire qu’à chaque écart
de conduite (bien minime en comparaison) pour lequel je me faisais prendre,
on m’assenait :
“Dieu s’arrange toujours pour démasquer ceux qui désobéissent pour qu’ils
ne coupent pas à sa justice !”... Trop, c’est trop: ce jour-là où l’on
m’a injustement jugée, j’ai signé pour la première fois volontairement
dans mon cœur ma rébellion : je ne serais JAMAIS témoin d’un Jéhovah qui
se veut dénicheur de coupables mais laisse accuser quelqu’un de façon
injuste - et maintenant que je suis adulte j’ajouterai : surtout quand
c’est un enfant sans moyen de défense équitable face à la suprématie d’un
adulte témoin modèle et qui plus est : affecté à un grade de responsable.
Ainsi les témoins de Jéhovah ne sont
pas plus ‘exemplaires’ que le reste du commun des mortels, simplement
ils sont plus contrôlés et éventuellement plus ou moins sévèrement sanctionnés
: de quoi s’assurer une apparence de perfectibilité. Rien de plus normal
pour eux que de se sentir “supérieurs” aux autres. Mais en contrepartie
le prix à payer est bien élevé car en se donnant une façade de “pureté”,
ils s’interdisent d’être eux-même, s’imaginant que Dieu attend d’eux une
conduite qu’ils qualifient ‘d’irréprochable’.
Chez les catholiques, on pèche sûrement beaucoup, comme ne manquent jamais
de le rappeler les Témoins de Jéhovah, mais c’est peut-être aussi qu’on
a le courage d’être soi-même et seulement soi-même avec la seule confiance
que “ce qui cloche” en tout être humain - qu’on soit catholique, bouddhiste,
musulman, athée... et même témoin de Jéhovah - ne peut qu’être guéri par
un Amour qui révèle chacun à ce qu’il est de mieux AVEC sa personnalité,
son identité et dans le souci d’un infini respect de l’originalité de
chacun.
Aujourd’hui, je n’ai qu’une façon
de témoigner de ce Dieu que j’ai découvert Amour et (condition sine qua
none de tout Amour) épris de liberté et nous voulant libres : c’est en
aimant mon prochain, en m’intéressant sincèrement à lui, gratuitement,
dans le respect total de ses convictions politiques, philosophiques, religieuses,
athées, sociales.
Les Témoins de Jéhovah m’ont rendu ce service d’avoir fait germer en moi
une horreur de toute forme de prosélytisme et de comprendre ce qu’est
la vraie liberté - c’est à dire une liberté qui n’est pas viciée par la
notion de menace si on ne fait pas le “bon choix”.
Dans le même ordre d’idée, à l’occasion de cette quête spirituelle (d’athée,
je suis devenue bouddhiste puis trois ans plus tard, catholique) j’ai
CHOISI de devenir catholique non seulement parce que je crois en Dieu
et que pour moi Il a une Identité, mais parce que c’est la religion traditionnelle
de notre culture européenne. Du souvenir des Témoins je n’ai gardé dans
ma vie que la volonté de me battre contre toute idée de Dieu qui serait
figée dans le moralisme et les principes rigides du “bien-pensant”. Je
suis aussi catholique par choix pour que ma foi s’exprime de façon cohérente
et aussi parce que cette religion est “ à dépoussiérer ” afin de rendre
un Dieu buvable aux chrétiens (le moralisme tente beaucoup de monde :
on a mal compris l’idée de la sainteté), mais mon cœur, lui est profondément
oecuménique, tolérant toute forme d’intuition du spirituel (que cette
intuition admette ou non l’existence d’une identité divine) et également
l’athéisme qui à mon sens est aussi une façon de crier ce que Dieu n’est
pas.
Après tout, personne ne peut “définir” Dieu, ni le “cadrer” par le petit
trou de chacun sa lorgnette. Je ne crois absolument qu’en une seule vérité
le concernant :
Dieu EST Amour. Et l’Amour est une lumière qu’on ne peut posséder, qu’on
n’a jamais fini de découvrir, qui révèle chacun à son identité unique,
différente, originale et profonde...
On est loin ici, de la dépersonnalisation des Témoins de Jéhovah condamnant
ceux qui se permettent la moindre indépendance d’esprit qui finirait par
mettre à mal leurs théories.
Théories, qui avec le temps, me sont apparues dans tout leur simplisme
et leur inhumanité.
Ma recherche personnelle de Dieu après
un passage chez les témoins de Jéhovah, c’est juste mon chemin, celui
d’une guérison : après une expérience comme celle-ci je ne pouvais pas
nier Dieu, tout simplement, mais il fallait à tout prix que je trouve
une justification à son Existence que je ne pouvais croire telle que l’on
me l’avait présentée. Je ne fais pas de mon Espérance (j’aime mieux le
mot ‘espérance’ qui est moins exclusif que ‘croyance’) une vérité unique
et absolue, simplement je considère que je tends simplement vers la vérité
de mon existence dans l’authenticité de la personne que je suis avec mes
qualités et mes défauts, croyant en une loi spirituelle qui se nomme Amour
; aussi vitale pour l’âme qu'en matière de loi physique, l’air que l’on
respire l’est à notre survie humaine.
Je me suis longtemps interdit d’exprimer
tout ce que je vous ais dit parce que dans ma famille, ma sœur qui a été
exclue il y a dix ans est encore très sensible sur le sujet des témoins
de Jéhovah. Sa blessure est encore trop vive d’autant qu’est lié à notre
enfance le douloureux divorce de mes parents - non causé par la secte,
mais considérablement envenimé par sa main-mise sur la “conscience” de
ma mère - et plus tard, alors que nous n’avions que 12 et 15 ans, le décès
accidentel de notre père - rendu plus traumatisant encore par le sort
que lui “réservait” Dieu, selon les témoins.
Ma mère, elle, est toujours témoin de Jéhovah et cela depuis 30 ans. Je
ne porte aucun jugement sur elle, qui nous a élevés comme elle a pu, influencée
par une croyance en laquelle elle croit sincèrement.
C’est sûr, cette secte a étouffé son instinct maternel qui aurait naturellement
dû prendre le dessus en ce qui concerne la façon de diriger l’éducation
de ses propres enfants.
L’Organisation des Témoins de Jéhovah m’a volé ma vie d’enfant et les
relations de tendresse compréhensive que tout enfant doit recevoir de
sa mère. Je n’en veux à personne et surtout pas à ma mère à qui l’Organisation
ment depuis 30 ans.
Si j’accepte de vous donner ce témoignage c’est pour éviter que des personnes
encore en mesure de réfléchir par elles-mêmes ne se laissent voler leur
droit à la liberté tout court, par une idéologie insidieusement dangereuse
et pour donner un peu d’espoir et de courage à ceux que cette secte a
déjà abîmés et qui commencent seulement à s’en rendre compte.
Car, quand on sort de chez les Témoins, tout n’est pas fini : il faut
longtemps pour se défaire de mécanismes psychologiques biens ancrés de
culpabilité, de trahison et de sentiment d’avoir “mérité d’être condamné”.
Seulement, je ne peux plus me taire aujourd’hui sur ce qui aura bouleversé
toute ma vie, et laisser des enfants, des familles devenir victimes de
la secte comme je l’ai été, comme d’autres le sont. Je ne peux pas ne
pas dénoncer le danger. C’est trop grave.
Bien sûr, je n’insisterai jamais assez sur le fait que nous aimons toujours
ma mère, ma sœur et moi, d’autant qu’elle nous a demandé pardon l’année
dernière pour toutes les erreurs que les témoins de Jéhovah l’avaient
poussée à faire en ce qui nous concerne. Elle a reconnu qu’ils avaient
pensé à sa place et pas toujours de façon heureuse pour nous. Mais cela
ne l’a pas révoltée pour autant ( ou alors c’est encore du domaine du
“refoulé” parce que c’est très dur d’avoir construit une existence au
prix très élevé de beaucoup de renoncements, pour se dire du jour au lendemain
que tout reposait sur un mensonge, du vent ).
Je pense qu’elle veut toujours y croire, même si elle s’est rendu compte
de bien des failles à la façon de voir de l’Organisation.
Pour l’instant elle évolue à l’intérieur d’un monde qui ‘tourne’, sans
trop de remise en question - ma sœur et moi faisons partie d’un passé
digéré et dont on lui a fait faire le deuil - et qui (cela lui donne l’illusion
que sa ‘religion’ évolue du bon côté) s’adapte, tirant conséquence de
ses erreurs. Alors pour elle tout va bien... tant que tout ira dans le
“bon sens” et c’est tant mieux pour elle.
Je ne lui souhaite même pas le déclic qui pourrait lui faire douter de
ses convictions car après tant de temps et d’investissement ce serait
pour elle comme un effondrement de ce qui fait malgré tout les bases de
sa vie. Ce serait certainement une trop grande souffrance dont elle aurait
du mal à se remettre.
Je ne lui souhaite pas non plus la souffrance qu’elle a déjà connue lors
de la défection de ma sœur, mais si un jour mes frères choisissent leur
vie ailleurs que dans la secte, j’espère alors qu’elle échappera à une
plus grande déshumanisation de son cœur de mère, et que se produira un
sursaut de révolte qui la poussera à réagir : comment une mère peut-elle
laisser quelqu’un tuer ses enfants, fut-Il Jéhovah, alors que Dieu, même
à Abraham, n’a JAMAIS permis un tel sacrifice !
Marie le 25/02/2001.
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